Innovation et réponses à tous les désirs d’enfant

« Désir d’enfant », voilà une expression courante qui désigne le ressenti de nombreux adultes en âge de procréer. Elle couvre cependant une réalité complexe qui a évolué au cours du temps. D’une finalité sociétale, elle s’est muée en choix délibéré, en décision élaborée de faire un enfant. Au XXIème siècle, on ne fait plus un enfant parce que la société l’exige, et ce malgré une baisse du taux de natalité, mais parce qu’on en exprime le désir, que l’on en ressent le besoin voire que l’on en revendique le droit. Un changement de paradigme, disruptif d’un modèle familial basé sur un ordre symbolique qui a longtemps primé et qui fait naître de nombreux besoins non couverts. Dans la société française actuelle où la déclinaison de la famille se veut multiple (mono-, homo- ou hétéro-parentale avec ou sans recours à l’AMP ou à l’adoption), l’innovation peut-elle permettre de répondre à tous les désirs d’enfant ?1-3

Quelles évolutions législatives et sociétales pour concrétiser un projet parental au XXIème siècle ?

La loi permettant l’accès à l’AMP pour toutes est entrée en vigueur en août 20211. Outre l’élargissement de l’accès à l’AMP pour les femmes seules et les couples de femmes, le dispositif législatif concerne également la cryoconservation des ovocytes et donc la préservation de la fertilité pour les femmes y compris en dehors de tout contexte médical. Des dispositions propres à faire voler en éclat les diktats de « l’horloge biologique » ou d’une vision hétéronormée de la famille et qui permettent, au moins en théorie, de répondre à l’évolution récente des schémas parentaux et aux désirs de grossesse associés. En pratique, il peut y avoir un long chemin à parcourir. La révision innovante de la loi de bioéthique permet certes de répondre à des demandes de plus en plus importantes liées à nos évolutions sociétales. Elle comble le retard de la France vis-à-vis de pays voisins et ouvre la porte de la parentalité mais n’écarte en aucune façon les nombreuses embûches qui jalonnent ce qu’il faut bien appeler un parcours de soins. En outre, et même si les professionnels de santé se sont déclarés prêts à prendre en charge des profils de patientes variés, les demandes se révèlent plus importantes que celles anticipées4. Les derniers chiffres donnés par l’Agence de la Biomédecine font état d’une augmentation de plus de 25 % des demandes de premières consultations pour une AMP pour les femmes seules et les couples de femmes. Une explosion de la demande à laquelle les professionnels de santé ont du mal à répondre tant ils sont les premiers surpris5.

Répondre à de nouveaux besoins, un challenge à relever pour les professionnels de santé

Alors que les délais s’allongent (les candidates à l’autoconservation ovocytaires hors indication médicale doivent patienter en moyenne sept mois au niveau national et jusqu’à 24 mois en île de France), que les stocks de gamètes ne sont pas extensibles, pas plus que les murs des centres experts, les professionnels de santé font face à l’explosion de cette demande en repensant la prise en charge5. Dans ce contexte, les centres et les professionnels de santé ont dû mettre en place des approches innovantes pour tenter de satisfaire les demandes. Redéfinition des parcours d’AMP qui permettent d’intégrer et de prendre en charge les nouveaux profils de patientes, dématérialisation des inscriptions et des documents, achat de matériel, extension des plages de consultation mais aussi création de groupes de paroles. En effet, l’accès au parcours d’AMP dans un contexte sensiblement différent d’une infertilité médicalement diagnostiquée ne garantit pas pour autant une grossesse. Si on prend l’exemple de l’autoconservation ovocytaire, les médecins doivent évoquer la possibilité de l’échec (le taux de succès est de l’ordre de 25 %) avec des patientes qui, contrairement aux patientes en situations d’infertilité, ne sont pas préparées à cette situation5. Pour pallier l’allongement des délais, l’innovation résiderait dans une fluidification des parcours entre le public et le privé et une harmonisation des pratiques.

Dans le cas de l’AMP pour toutes, innover pour répondre aux désirs d’enfant nécessite moyens et formation du personnel mais aussi adaptation de la loi pour permettre une participation plus importante du privée et une articulation efficiente avec le public5.

Faciliter l’accès à l’innovation, une difficulté qui perdure en France

L’ouverture d’un accès plus large à l’AMP ne doit pas occulter le fait qu’il existe de nombreux besoins non couverts pour les couples en situation d’infertilité médicalement diagnostiquée5. Malgré la modernisation de la loi de bioéthique, l’accès à l’innovation en France semble complexe pour de nombreux patient.e.s qui mettent en avant les nombreux blocages qui jalonnent leur parcours entre manque de considération et difficultés à obtenir des financements voire les remboursements de solutions innovantes alors que les recommandations internationales et européennes font la part belle aux solutions issues des approches génétiques et immunologiques ou s’intéressent au développement d’approches numériques de la santé reproductive6. Dans ce contexte, des initiatives comme le Lab By Ferring qui soutient notamment de nouvelles approches des parcours ou encore une optimisation des pratiques via des exemples issus d’autres corps de métiers que le corps médical, contribuent à répondre de manière disruptive à ces besoins exprimés.

Quelle place pour le numérique dans les parcours d’AMP du XXIème siècle ?

Il est difficile d’évoquer l’innovation sans aborder l’apport du numérique en santé reproductive. De la modélisation 3D de l’embryon aux applications de suivi permettant aux hommes de tester leur fertilité en passant par les premières thérapies digitales facilitant le parcours d’AMP7,8, le numérique prend sa place dans le chemin vers la parentalité. En France, des professionnels de santé, pleinement conscients des difficultés rencontrées par les patientes et les couples en désir de grossesse, s’impliquent dans la recherche de solutions numériques susceptibles de faciliter la prise en charge, de fluidifier les parcours et d’alléger le fardeau médical lié à l’AMP8. Le fait qu’une part significative des solutions innovantes portées par la Femtech soit destinée à la santé reproductive témoigne des besoins grandissants exprimés par les différents acteurs du parcours de soin en AMP.

Cependant, le digital ne peut constituer la seule réponse à des besoins dans lesquels l’émotionnel est encore présent. On peut légitimement se questionner sur la place que doit prendre l’innovation dans la réponse aux désirs d’enfant et si celle-ci peut être uniquement technologique.

Références :

  1. Accès pour toutes à la procréation médicalement assistée : point d’étape sur cette avancée sociétale majeure à l’occasion des deux ans de la promulgation de la loi de bioéthique. Accessible sur https://sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/acces-pour-toutes-a-la-procreation-medicalement-assistee-point-d-etape-sur. Consulté le 21.02.2024.
  2. Le Monde. La natalité continue de baisser en France. Accessible sur https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/01/04/le-taux-de-natalite-en-france-a-baisse-de-6- 8-sur-les-onze-premiers-mois-de-2023_6209056_3224.html. Consulté le 13.05.2024.
  3. Gravillon I, Le désir d’enfant dans tous ses états. 2016. Accessible sur : https://www.cairn.info/revue-l-ecole-des-parents-2016-1-page-27.htm. Consulté le 13.05.2024.
  4. What’s up doc ? PMA pour toutes : les demandes augmentent, le délai de prise en charge aussi. Accessible sur https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/pma-pour-toutes-les-demandes- augmentent-le-delai-de-prise-en-charge-aussi. Consulté le 21.02.2024.
  5. Le quotidien du médecin. AMP pour toutes. Les services au défi de l’afflux des demandes. Accessible sur https://www.lequotidiendumedecin.fr/amp-pour-toutes-les-services-au-defi-de-lafflux- des-demandes. Consulté le 23.02.2024.
  6. Collectif BAMP. Innovations pour améliorer les parcours d’infertilité. Après-Covid-19 : manifeste pour un monde en meilleure santé. Accessible sur https://www.bamp.fr/2023/07/07/innovations-pour-ameliorer-les-parcours-dinfertilite-conference/. Consulté le 21.02.24.
  7. Alcimed. L’infertilité, des alternatives voient le jour : des pistes encourageantes. Accessibles sur https://www.alcimed.com/fr/insights/linfertilite-des-alternatives-voient-le-jour-des-pistes-encourageantes/.. Consulté le 25.03.2024.
  8. What’s up Doc ? Wistim, la petite révolution digitale du parcours PMA. https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/wistim-la-petite-revolution-digitale-du-parcours-de-pma